Combien de temps dure l’éphémère ?
L’étymologie grecque nous dit : pendant un jour (epi hêmera). Le terme semble pourtant extensible et peut se déployer sur des temporalités diverses, de quelques secondes à plusieurs années. Aussi, bien des réalités sont éphémères. Le monde même est éphémère (1) comme l’affirme André Malraux. Qu’il est réjouissant lorsque, au milieu des flash, pop-up, snackable et autres anglicismes qui prolifèrent ici et là pour annoncer une durée brève, surgit le terme « éphémère » ! Car l’éphémère semble déborder de lui-même. Tout en posant une limite dans le temps, il ouvre à un dépassement du temps, à une durée atemporelle.
Les travaux prévus au Grand Palais, qui a lui-même remplacé en 1900 un éphémère Palais de l’Industrie, ont donné naissance à un Grand Palais Ephémère, en place jusqu’en 2023. Il sera ensuite mis à disposition pour les Jeux Olympiques en 2024. Le glas sonnera-t-il alors pour le bâtiment installé sur le Champ de Mars ? Pas encore. Pour l’agence d’architectes qui l’a conçu, l’un des enjeux forts du projet était de permettre à ce bâtiment d’avoir une seconde vie ailleurs (2). L’architecte a donc imaginé l’ensemble de cette installation éphémère comme pérenne. Contradiction ? Pas tant que cela. Revenons aux propos malruciens. Là où les architectes conçoivent le provisoire et durable promis à une seconde vie, l’écrivain et ministre des Affaires Culturelles évoquait déjà le monde éphémère et éternel qui, pour se survivre au lieu de se répéter, a tellement besoin des hommes ! (3)
Clara Pagnussatt
(1) André Malraux, L’Homme et la culture artistique, extrait du discours prononcé le 4 novembre 1946 à l’Unesco
(2) agence-chabanne.fr
(3) André Malraux, Essais de psychologie de l’art, 1950
Image : Le Grand Palais Éphémère. Crédit photo © Collection Rmn – Grand Palais © Patrick Tourneboeuf