Vous l’avez sûrement déjà croisée dans les allées des foires et salons d’art. De la TEFAF à Art Paris, en passant par Frieze et Art Basel, Pauline Loeb exerce son œil averti et son expertise du marché de l’art depuis près de 15 ans. En 2019, elle fonde artfairmag, initialement conçu comme une base de données et un calendrier exhaustif des foires internationales. En seulement quelques années, son site est devenu un magazine de référence reconnu par tous les acteurs du marché. Entretien avec une professionnelle devenue partenaire du Rapport Art Basel & UBS Global Art Market Report en collaboration avec le Dr Clare McAndrew.
« J’ai évolué dans l’art pendant toute mon enfance. Les foires et salons restent à mon sens un rendez-vous incontournable pour tous les acteurs du marché. »
1. Comment vous êtes-vous intéressée au marché de l’art ?
Mon père était commissaire-priseur et expert en objets d’art anciens à Drouot. J’ai baigné dans l’art ancien, au rythme des ventes aux enchères, musées et expositions. Nous aidions souvent mon père à la préparation des ventes de l’étude Libert. Je passais des heures à arpenter les salles et à fouiller des caisses débordantes de trésors. Ma passion pour l’art ancien est née ici. Par la suite, j’ai naturellement choisi de poursuivre des études en histoire de l’art avec des cours dispensés par des professionnels et orientés vers le marché de l’art. Dans le cadre de ce parcours, j’ai eu la chance de faire mon stage de fin d’études à la Galerie Kugel, spécialisée dans l’art très haut de gamme du XVème au XIXème siècle. J’y suis finalement restée 8 ans, ce fut une période d’une extrême richesse. J’ai été au contact d’objets d’une hallucinante qualité tout en menant des recherches passionnantes aux côtés d’Alexis Kugel.
2. Pourquoi avoir choisi l’univers des foires?
En participant aux éditions de la TEFAF (The European Fine Art Fair à Maastricht) avec les Kugel, j’ai eu un véritable coup de cœur pour l’ambiance des foires, leur côté à la fois éphémère et incontournable. J’aime l’émulation et l’énergie collective qui s’en dégagent, le rassemblement de visiteurs de tous horizons, du collectionneur à l’amateur d’art en passant par le visiteur curieux. En tout début de salon, je retrouve également l’odeur des colles, de la moquette et des peintures encore fraiches… C’est un attachement très émotionnel !
3. Comment est né artfairmag ?
4. Quels sont vos projets dans les prochains mois ?
Tous les mois, nous envoyons une newsletter mensuelle à 10 400 personnes à travers le monde. Récemment, j’ai souhaité la faire évoluer sous forme de billet pour y apporter un éclairage et un point de vue personnel, forte de mon expérience sur chaque foire. En parallèle, je prévois de transmettre une fois par mois un rapport très factuel et chiffré sur l’ensemble des foires internationales. Enfin, je souhaite continuer à développer le format des “Conversations” autour de larges sujets comme le marché de l’art à Dubaï, l’émergence d’un style chez les jeunes artistes, la position des artistes femmes au Kenya… Je peux même traiter d’un même sujet par plusieurs personnes et avoir des points de vue tout à fait différents. C’est un format que je trouve tout à fait intéressant.
5. Votre vision de l’avenir des foires ?
En 2020, la pandémie mondiale a complètement remis en question le modèle de la foire et l’ombre d’un modèle dépassé a plané. Je pense en réalité que le nombre de foires et salons pourrait à l’avenir se concentrer sur les plus gros acteurs, ou encore sur ceux qui ont une identité très forte, comme les foires d’art tribal, art urbain, etc. Le format foire ou salon a existé de tout temps et devrait encore perdurer. En effet, les professionnels et amateurs d’art ont besoin de se rassembler, d’échanger autour d’une œuvre, de la voir. L’ère du tout digital me semble difficilement réalisable sur notre marché, le rapport sensoriel aux œuvres est beaucoup trop important. Ce qui n’est pas antinomique avec une approche “phygitale”, comme en témoigne les Online Viewing Rooms, en complément des événements physiques. De plus en plus de domaines et secteurs s’orientent ainsi vers un format hybride, comme en témoigne la part croissante du digital dans les maisons de ventes.
6. Paris redevient-elle une grande place de l’art moderne et contemporain ?
Il y a 10 ans, Paris était encore très loin derrière New York, Londres et Berlin. Aujourd’hui, avec l’implantation des grandes galeries dans le “Triangle d’or”, Paris + par Art Basel et Londres subissant l’impact du Brexit, la capitale française a retrouvé toute sa splendeur. Les foires d’art sont au cœur de l’ascension de Paris dans le marché international. Art Paris, seule foire maintenue pendant la pandémie, en est un bel exemple avec l’introduction de nouvelles galeries internationales tout en gardant une belle part aux galeries parisiennes.
7. Votre rapport à l’œuvre d’art ?
Je reste très influencée par l’art ancien. Je recherche finalement dans l’art contemporain – que je collectionne avec passion depuis quelques années – ce que j’aime dans la peinture classique du XVIIe siècle : la figure humaine, les corps en mouvement, les clairs-obscurs et les compositions. Je collectionne principalement la jeune scène émergente francaise, un peu de sculpture mais surtout de la peinture, avec des artistes comme François Malingreÿ, Bilal Hamdad, Samuel Yal, Marine Wallon, Abdelhak Benallou, etc. J’ai par ailleurs une drôle d’obsession pour les portraits de dos et en ai une quinzaine chez moi : des dos d’hommes, de femmes, de bébés, des peintures, des bronzes, des dessins ! En plus de son côté esthétique, le dos intrigue : quel visage se cache derrière ? Vers quoi se tourne le regard ?
8. Votre premier achat d’art?
Deux œuvres de Gaël Davrinche découvertes sur Art Paris en 2020 (Galerie Provost Hacker Lille). Depuis, nous avons acheté beaucoup d’œuvres, quasiment exclusivement des peintres émergeants et sculpteurs français.
9. Votre rapport avec les galeristes?
J’ai d’abord la chance de ne pas avoir de relation commerciale avec eux. C’est une relation de confiance, avec pour ma part beaucoup d’humilité quant à mes connaissances en art contemporain. J’arrive dans leur galerie ou leur stand comme un visiteur curieux et avide d’apprendre. Mes choix sont donc très spontanés et sincères. Je peux avoir un coup de cœur pour une œuvre.
10. Vos rencontres les plus marquantes?
D’abord la rencontre à Miami en décembre dernier, avec Marc Spiegler, figure emblématique du marché de l’art contemporain, qui venait tout juste de quitter la direction Art Basel, après plus de 10 ans à sa tête. L’autre moment charnière a été ma collaboration avec Clare McAndrew qui m’a approchée en novembre 2021 pour réutiliser la data artfairmag dans son rapport annuel. Je me souviens être à la clinique sur le point d’accoucher de ma fille et m’entendre dire à mon mari « attends, je dois envoyer ces derniers chiffres ! ». Je suis extrêmement fière et heureuse de participer à ce rapport que je trouve inégalé et extrêmement complet. Nous avons noué une véritable relation de confiance.
artfairmag en chiffres
- Magazine en ligne et base de données des foires et salons à l’international depuis 2019
- 421 foires référencées dans 51 pays
- 124 directeurs de foires interviewés
- 40 000 visiteurs par mois
- 172 vidéos “1 minute in the booth”
- 23 vidéos “Follow Pauline”
- 7 interviews “In Conversation With”
- 1 newsletter mensuelle envoyées à 10 400 personnes à travers le monde
- 14 000 abonnés sur Instagram
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